samedi 5 juillet 2014

Les textes de Julie { 1 } Abandonné

Abandonné



Je suis bien, ici, dans ce champ, à l’écart du monde. Maintenant, j’y vais deux fois par semaine, quand le poids de mes émotions est tel que je ne peux plus respirer. Ici, je sais que personne ne viendra me déranger. Ici, je sais que je suis enfin en paix avec moi-même.
Pourtant, c’est dur. Très dur. J’entends encore les phrases de mes camarades : « Hé, gros balourd, pousse-toi ! », « Fais un peu de sport, cochon ! ». C’est, hélas ! toujours comme ça, au collège. Tout le monde se moque de moi alors que je ne leur fais jamais rien, rien du tout. Je suis juste asocial, trop gentil, et intelligent. Je n’ai jamais aimé le contact humain, et je n’y peux rien. Ce n’est pas de ma faute. N’est-ce pas ? 
De toute façon, je sais que jamais je ne serai comme les autres, ça non. Jamais je ne serai dans une bande à suivre mes « amis » comme un chien. 
Alors je subis, encore et encore, le harcèlement scolaire. Je me souviens, en classe de cinquième, il y a eu une intervention dessus. Je m’étais reconnu dans la personne qu’était la victime, et je crois que je regretterais toute ma vie ne pas avoir pu dénoncer mes camarades. 
Tout en caressant un brin de blé, je pleure. De grosses larmes roulent sur mes joues puis viennent s’écraser sur mon tee-shirt déchiré. Si seulement j’en avais parlé. Si seulement… 
Aujourd’hui, dans le vestiaire du gymnase, les garçons m’ont pris à part pour me frapper, me pousser, me traiter de porc. Tout cela parce que je suis rond. Ce n’est pas de ma faute. N’est-ce pas ?
Je n’aime pas pleurer, j’ai l’impression d’être encore plus faible. Pourtant, je ne peux pas m’arrêter. C’en est trop, j’en ai assez. Assez de cette misérable vie, assez des injustices, assez de l’intolérance des autres à mon égard. Il faut toujours être parfait aux yeux du monde.
C’est n’importe quoi. 
Et en plus, comme si ça ne suffisait pas, je suis tombé amoureux de cette fille. Elle s’appelle Amélie, et elle est la plus belle fille que j’aie jamais vu. Elle est intelligente, elle aussi, gentille, douce. Mais lorsque j’ai enfin osé lui avouer mes sentiments, elle s’est enfuie en courant. Moi aussi, du coup, mais dans la direction opposée. J’avais trop honte.
Maintenant, je suis ici, dans ce champ, à pleurer misérablement. Je n’en peux plus. Alors, je m’imagine que chaque plan de blé est un camarade d’école, et je presse mes mains autour de mon cou jusqu’à en avoir le souffle coupé. 
La dernière pensée qui me traverse est : « Personne ne verra que je suis parti vers un monde meilleur. »
©

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